Les sportifs pratiquant des sports d’endurance sont plus touchés que la moyenne par des troubles digestifs (nausées, reflux, diarrhées, vomissements, crampes abdominales, le besoin urgent d’aller aux toilettes, saignements rectal etc.). La souffrance de Yohann Diniz lors des JO de Rio en 2016 est un parfait exemple (1).
Les désagréments intestinaux sont les conditions les plus reportées lors d’évènements sportifs internationaux (6). 30% à 65% des coureurs de fond souffrent de symptômes gastro-intestinaux, et ces troubles sont l’une des causes majeures d’abandons sur les épreuves d’ultra-endurance (8).
Des études montrent que les coureurs ont davantage de selles et celles-ci sont plus liquides, les forçant à s’arrêter pendant la course (2 ; 3).
(9)
Bien que les données soient plus importantes pour les coureurs de longue distance, cela n’exclue pas les autres athlètes (5). D’ailleurs la pratique de l’haltérophilie semble causer davantage de reflux que la course à pied ou le vélo. Cela s’explique par le fait que la pression intra-abdominale chez les coureurs est moins forte grâce à la gravité (5).
Les troubles digestifs peuvent handicaper au quotidien les athlètes et compromettre leurs performances. Si vous êtes concernés, il vous est surement déjà arrivé de devoir vous arrêter pendant une course. Pour l’anecdote, cela arrive aussi aux élites. Une marathonienne a été obligée de s’arrêter au 22e kilomètre pour se soulager. Elle est retournée courir et a gagné le marathon. Malheureusement, en s’arrêtant elle a « pris un raccourci » de 30 mètres. Elle a été disqualifiée et a perdu le premier prix. A 41 000$ la première place, cela est cher payé pour un passage aux toilettes ! (5)
Pourquoi les sportifs d’endurance souffrent-ils davantage de troubles digestifs?
Les exercices de haute intensité ont un impact majeur sur l’intégrité et la fonction gastro-intestinale (4).
Lors d’un effort intense, le sang est dirigé vers les muscles. Le tube digestif est « laissé de côté » car digérer n’est pas la priorité de l’organisme à ce moment-là. L’afflux sanguin vers le tube digestif peut chuter jusqu’à 20% lors d’un effort (5).
Or, le sang apporte de l’oxygène. Si l’afflux sanguin vers les intestins est faible, les cellules intestinales vont manquer d’oxygène. Elles vont alors moins bien « fonctionner » et certaines peuvent même mourir. Ce phénomène est appelé ischémie digestive. Après l’effort, le sang va « retourner » vers les intestins. Cet afflux, appelé « ischémie-reperfusion » induit une production de grande quantité de radicaux libres. Les cellules intestinales ne sont pas faites pour supporter cet état de stress oxydatif. (fac peut être un peu trop complexe ?)
Les cellules intestinales se renouvellent tous les 3 à 5 jours. Les efforts de longues durées répétés vont avoir un impact négatif sur ce renouvellement. Si les cellules intestinales n’ont pas le temps de se régénérer, les intestins se fragilisent. Ils peuvent devenir poreux et le risque de dysbiose, c’est-à-dire le déséquilibre du microbiote, augmente.
L’intensité de l’effort et sa durée sont corrélées avec l’intensité des troubles digestifs
En parallèle, lorsque le corps est en plein effort, le système nerveux sympathique est activé et le système nerveux parasympathique est « éteint ». Le corps est en état de stress et il va avoir tendance à vouloir « s’alléger ». Cela est l’une des raisons pour lesquelles les coureurs vont avoir plus de diarrhées.
Ces diarrhées vont venir aggraver la déshydratation du coureur et les conséquences qui vont avec. D’ailleurs, 80% des marathoniens perdant 4% de leur poids corporel souffrent de troubles digestifs pendant l’effort (5).
En résumé deux mécanismes majeurs sont responsables de l’apparition de troubles intestinaux sévères :
- L’afflux sanguin vers les muscles au détriment du tube digestif
Et
- L’activation du système nerveux sympathique (6).
Ces deux phénomènes fragilisent les intestins en les rendant plus perméables. Des bactéries peuvent alors se frayer un chemin à travers le mucus protecteur de la paroi des intestins. Certaines bactéries et les substances qu’elles produisent vont « attaquer » la muqueuse intestinale, et vont même pouvoir passer dans le sang augmentant l’inflammation.
D’autres mécanismes peuvent également expliquer et contribuer à l’apparition de symptômes : modification des fluides, déshydratation, et changements hormonaux (5).
L’alimentation joue bien évidement un rôle. La composition de de vos derniers repas et l’heure à laquelle vous avez pris votre dernier repas auront une grande influence sur la présence et l’intensité des troubles.
La méthode low FODMAP est-elle adaptée aux sportifs d’endurance ?
Les intolérances alimentaires sont l’une des principales causes des troubles digestifs. Identifier les aliments qui posent problèmes va permettre de diminuer l’apparition de symptômes digestifs (les symptômes peuvent aussi toucher d’autres parties du corps).
Il existe des preuves solides indiquant que les FODMAPs jouent un rôle dans l’augmentation des troubles intestinaux induit par l’exercice physique (6).
Suivre la méthode LF semble aussi limiter la prise de certains médicaments comme l’ibuprofène (ce médicament favorise l’hyperperméabilité intestinale) (5).
L’alimentation pauvre en FODMAPs semble donc être une bonne stratégie pour diminuer l’intensité et la prévalence des troubles intestinaux liés à la pratique de l’activité physique à haute intensité. Suivre cette méthode devrait permettre d’identifier les principaux FODMAPs posant problème, de les éliminer, notamment en période de compétition.
Cependant, la méthode LF est restrictive et le choix de sources de glucides est restreint, ce qui peut poser problème pour les sportifs d’endurance. Pour certains athlètes, il peut être difficile d’avoir des apports nutritionnels optimaux en adhérant à un régime pauvre en FODMAP. Les sportifs ayant des besoins spécifiques qui évoluent en fonction de la période de l’année (compétition, entrainement, repos), il est fortement recommandé de consulter un professionnel de santé apte à individualiser le régime. Les “aliments pour sportifs” sont souvent riches en FODMAPs (dates, amandes, fructose, mannitol, inuline, jus de pomme concentre, racine de chicorée, miel…). Demandez conseille à votre diététicien pour connaitre les alternatives.
De plus, on ne le répétera jamais assez, il est indispensable que vous ayez un diagnostic afin de s’assurer que vous n’avez pas une pathologie « plus grave ».
La méthode LF n’est pas sans conséquences et un régime pauvre en FODMAPs ne doit pas être suivi sur le long terme.
A retenir
La méthode lf est adaptée aux sportifs dans la mesure où les apports nutritionnels sont adéquats. Cette méthode permet également de mettre en évidence les aliments posant problème et d’individualiser l’alimentation en fonction des besoins et de ses propres intolérances.
Sources
- Halvorsen FA (1990) Gastrointestinal disturbances in marathon runners. Br J Sports Med 1990 24(4): 266–268. Gastrointestinal disturbances in marathon runners. (nih.gov)
- Sullivan SN (1992) Runners’ diarrhea. Different patterns and associated factors. J Clin Gastroenterol 14(2):101-4 Runners’ diarrhea. Different patterns and associated factors – PubMed (nih.gov)
- R J S Costa, R M J Snipe, C M Kitic, P R Gibson (aout 2017). Systematic review: exercise-induced gastrointestinal syndrome-implications for health and intestinal disease; Aliment Pharmacol Ther 46(3):246-265.
- Stephen M Simons (2004). Gastrointestinal problems in distance running INTERNATIONAL SPORTMED JOURNAL 6(3):162-170 (PDF) Gastrointestinal problems in distance running (researchgate.net)
- Dana M. Lis (janvier 2019) Exit Gluten-Free and Enter Low FODMAPs: A Novel Dietary Strategy to Reduce Gastrointestinal Symptoms in Athletes Sports Medicine volume 49, pages87–97. Exit Gluten-Free and Enter Low FODMAPs: A Novel Dietary Strategy to Reduce Gastrointestinal Symptoms in Athletes | SpringerLink
- Dana Lis, Kiran D K Ahuja, Trent Stellingwerff, Cecilia M Kitic, James Fell (septembre 2016). Food avoidance in athletes: FODMAP foods on the list.
Appl Physiol Nutr Metab;41(9):1002-4. Food avoidance in athletes: FODMAP foods on the list – PubMed (nih.gov)
- H P Peters et al (1999) Gastrointestinal symptoms in long-distance runners, cyclists, and triathletes: prevalence, medication, and etiology. Am J Gastroenterol 94(6):1570-81. Gastrointestinal symptoms in long-distance runners, cyclists, and triathletes: prevalence, medication, and etiology – PubMed (nih.gov)
Par Juliette, diététicienne-nutritionniste de juliette-nutrition.com